INTERVIEW DOMINIQUE BUXIN, part 4


WALKING EVERYWHERE

BRUSSELS WALTZ
Doro : Clin d’œil assez évident à Walzinblack des Stranglers, mais là aussi, je passe puisque c'est un instrumental.
Dominique : En effet, tchak tchak boum, tchak tchak boum.

LE RABATTEUR DES SECTES
Etrange personnage, une sorte de mercenaire à la solde des sectes ?
D : C’est tout à fait cela. Un prosélyte d’un genre nouveau. C’est ce qui se passe d’ailleurs avec les sectes. On racole dans les rues, on invite à des conférences, tout est beau et puis, si on n’y prend garde, on met sa vie dans l’engrenage et le décervelage commence.

IRRIGATION
Superbe chanson érotique. A mon avis l'aspect "géopolitique" n'est pas très sensible, mais l'aspect sexuel, oui. RM m'a dit que la chanson avait choqué quelques journaux belges, qui vous ont accusé de sexisme.
D : Je l’apprends à l’instant. Ah bon. C’était sexuel, oui, mais pas sexiste. Du moins pas dans mon esprit. Le sexisme est dans ce colonialisme que je dénonce dans le couplet 3 : « Si t’es coopérante / Je te parfumerai / Ma belle indépendante / Je t’eau d’cologniserai (jeu de mots avec « parfumerai /eau de Cologne / coloniser). Le « Je », tout comme dans « Le rabatteur des sectes », est un personnage que l’on incarne pour mieux dénoncer un fait, et non un personnage auquel on s’identifie. Procédé assez courant (Rappel : Dutronc, dans «L'opportuniste », par exemple).

EUROPE, WHAT ARE YOU DOING?
C'est une chanson très particuliere, puisque tous les couplets sont en allemand. C'est un manifeste européen ? Symboliquement, elle est chantée par JJ.
D : Les couplets sont en allemand, le refrain en anglais et le break dans les deux langues. Un manifeste en résumé, un nano-manifeste, pour avoir une vraie Europe unie et pas une Europe de façade.
Il était normal que cette chanson soit interprétée par Jean-Jacques, après son album solo intitulé « Euroman cometh ». Il y a d’ailleurs un clin d’œil à son album, puisque dans le texte, il est écrit « Von Brüssel bis Strasbourg / Von Berlin bis Roma / Europa ist nur / Ein Bild für Beaubourg – De Bruxelles à Strasbourg / De Berlin à Rome / L’Europe n’est qu’une / Image pour Beaubourg.
Or, sur la pochette de son album solo, on le voit avec sa moto à côté du musée Beaubourg.

PARLEZ-VOUS
Alors là, j'avoue, je suis pas fan de ce morceau, que je trouve trop sérieux, trop 1er degré. Il annonce le 3eme album, qui n'est pas vraiment mon préféré.
D : C’était mon quart d’heure Ménie Grégoire – Mireille Dumas – Jean-Luc Delarue.
« Parlez-vous / Le bonheur est dans les mots ». (Qui pouvait devenir « dans l’héro » ou « dans les rots », selon ce qui aurait pu être consommé !!).
N’empêche que j’aimais bien la phrase : « Nos tête-à-tête / sont des face-à-face… ».

WALKING CLASS HERO
Le jeu de mot du titre est assez évident. Très beau morceau, chanté par JJ. Etait-ce lui, le walking class hero ?
D : Non, c’est un personnage imaginaire qui court après une femme tout autour du monde, sans jamais la rattraper. Comme le « Working class hero » de John Lennon, sa vie n’est pas facile.
A la fin, il semble tourner bourrique (devenir fou) et décide de s’arrêter. « So why go everywhere / when everywhere’s nowhere.
Nouveau clin d’œil à un morceau du passé, puisque « Hiroshima » est cité dans le jeu de mot « Heroshima. »

LE ROCKER DE LA CIA
Le personnage me fait penser à SAS : espionnage, sexe, violence, voyage. Le cocktail explosif.
D : Et pas si éloigné de la réalité.
Allusion à des accointances entre la CIA et le KGB de l’époque.
ET quand on pense que Ben Laden a été soutenu par les USA lors de la guerre en Afghanistan contre les Russes ( années 80), on se dit qu’en matière de pire, tout est possible.

MOHAMMED & SARAH
Un thème qui reste d'actualité, hélas. 20 ans après, c'est encore pire.
D : C’est un morceau que j’aime particulièrement. Le texte a été, entre autres raisons, inspiré par des slogans taggués sur les murs de Bruxelles, fin des années 70. On pouvait y lire « Palestine vaincra » et « israël vivra ». Une sorte d’affrontement graphique. Le thème de la chanson est celui d’une rencontre où l’amour et la politique se croisent. Un thème classique, propre à la tragédie ( Corneille, Racine) et bien sûr Shakespeare ( « Roméo et Juliette » sont cités dans la chanson, ainsi que « Winston et Julia » – de 1984 / Orwell et de la chanson de PS).
La fin est utopique ( « Et qu’enfin de leur union / Puisse naître une nation). Mais s’il n’y a pas d’utopie, le rêve devient une marchandise.

ICI OU LA
C'est un peu le contraire du walking class hero : le mec qui reste scotché chez lui, en rêvant d'être ailleurs, non ?
D : Oui. Le texte est basé sur des homophonies approximatives, comme dans les titres des romans policiers, du genre « Cinq gars pour Singapour » ou « Moche coup à Moscou ».
J’écris par exemple :
« Lima Lomé ou Mexico
Qui va l’aimer un mec si con ».
En outre, ce personnage pourrait être le sosie de « Raymond Calbuth » du dessinateur Tronchet. Une BD que je conseille également
.

Alors on arrive à la période noire de PS, post 84, après le 2me LP, quand le groupe, en guerre avec sa maison de disque, se retrouve dans l'impossibilité d'enregistrer un 3eme album. Comment as-tu vécu cette période ? quelle est ta version des faits, si je peux dire ?
D : Vague. Comme je n’étais pas en première ligne, je n’ai pas directement ressenti l’onde de choc. (Ou là, Je viens de me rendre compte du jeu de mots involontaire entre « vague » et « onde de choc » !). Mais c’est vrai, si je me souviens bien, qu’il y avait un mélange de colère, de déception et aussi une envie de continuer.
Entre le 2ème et le 3ème LP, il y a plein de titres inédits (qui seront un jour disponibles en CD, j'espère...) : Do The Hou, No Colours, Lovestorible, Propagande, Love By Love, Les Petites Filles, NY Un Soir, Take Your Guns, Gros Plan... Tout était de toi ?
D : Oui, à part ce « Gros Plan » qui ne me dit rien.

Il y avait aussi 2 reprises de Dutronc, dont tu avais réactualisé le texte.
D : Deux reprises ? Je n’en connais qu’une en ce qui concerne le texte. Mais telle quelle, il faudrait encore la revoir, ne fût-ce que pour le nombre de Chinois. ( Rien à voir avec le sexe !! Quoique, en relisant le premier couplet :
« Onze cents millions de petits Chinois / Et moi et moi et moi / J’ose enfin sortir de chez moi / Mais des problèmes j’m’en mords le chinois…). Décidément…
En 1986 parait le single l'Amour / Everybody Needs Your Sex. La face A est très différente de ton écriture habituelle : pas de jeu de mots, pas d'ambiguïté, ni de second degré. C'est d'ailleurs une chanson d'amour assez déprimée. Bon, pour être franc c'est un titre que j'aime pas.
D : Le texte de « L’amour » est effectivement moins dans la veine PS. Il est plus terre-à-terre et il y a juste la fin qui renverse le tout ( J’ai encore rêvé). Il est d’ailleurs inscrit dans son époque, avec allusion aux missiles, à Le Pen, et à « Touche pas à mon pote ». C’est pas mon texte préféré non plus.
La face B est étonnante parce que c'est une tentative de rap en français. On y retrouve les thèmes sexys chers à PS.

D : Qu'est-c'qui s'passe / quand ça se casse / méli-mélo / c'est la mélasse/... Le rythme étant saccadé, j'avais écrit de courtes phrases. Maintenant, de là à dire que c'est un forme archéologique du rap, pourquoi pas. Mais un rap à la PS, alors.
C'est un texte parlé, sur un rythme saccadé, avec une rythmique funky, c'est pour ca que je le considère comme une forme de rap. D'ailleurs il y a beaucoup de morceaux de PS qui sont parlés, et non chantés : Saison, Mode, Nagasaki, Hiroshima 1945, Mother's Little Helper, Men & Construction, Irrigation, ... Les vrais morceaux chantés (Winston & Julia, Je t'ai toujours aimé, walking Everywhere) sont chantés par JJ, non ?
D : Oui. Question à poser à Roger-Marc.
Et puis on arrive en 1988. Le 3eme LP (The Overnight Day). Pour la 1ere fois tu n'es plus le seul a signer les textes, je suppose que ça n'a pas été facile.
D : Non, je ne pense pas. Roger-Marc avait mes textes, mais comme certaines musiques ont plusieurs compositeurs, il a introduit d’autres textes. Je pense qu’il doit y en avoir de Martine.
Les notes de pochettes ne sont d'ailleurs pas très claires à ce sujet : tu as écrit quelles chansons ?
D : Bon , dans l’ordre du disque : j’ai écrit les textes de – Dis-moi / Le soleil des voyous / L’amour / Le dernier rendez-vous / Mon fils-my son.

Ah oui ? Tous ces textes sont très différents de la 1ère période de PS, tu ne trouves pas ? Plus sérieux. Sans le coté absurde, sexy et décalé de Space Rejection, Saison ou irrigation, par exemple.
D : Oui. Peut-être une volonté de montrer un autre visage. J’aime bien le texte « Le soleil des voyous » qui traite de la « Shoah » (= Le génocide. « Shoah », en hébreu, signifie « cataclysme ».
J’ai appris plus tard, que ce titre existait déjà : titre d’un film de Jean Delannoy, avec Jean Gabin, Suzanne Flon… sur un autre sujet.. Dans mon cas, les voyous sont tous ceux qui représentent l’idéologie nazie, qu’il faut combattre sans relâche. Faites-moi plaisir, chers lecteurs, dès que vous voyez une croix gammée, effacez-la, transformez-la… C’était ma minute militante.

UN JOUR PARFAIT
Mais arrive le 2eme LP solo de JJ, Un Jour Parfait, avec 3 morceaux de toi : Via Dolorosa, Le Whiskey, et Rêves. Comment c'est passée cette nouvelle collaboration avec JJ ?
D : Encore une fois, je lui avais donné des textes et il a eu envie d’en chanter en français pour son album. Il a picoré dans le tas et hop, trois chansons.
Via Dolorosa (chemin de croix en espagnol), si je me trompe pas, c'est un chanson sur une nana qui tapine ? tendance SM ?

D : C’est ça, mais en plus hard. En fait, la « Via dolorosa » ( c’est du latin) est une ruelle de la vieille ville de Jérusalem qui porte ce nom parce que c’est le « chemin de croix » de Jésus, un peu avant la crucifixion. D’où les jeux de mots qui font allusion à la religion, tout en parlant de sexe. Les prostituées n’ont pas toujours la vie facile et l’amour est souvent leur chemin de croix.
Le Whiskey, c'est le thème éternel de l'alcool, celui de Boris Vian (Je bois) et Gainsbourg (Intoxicated Man)?
D : Tu vois qu’on est en bonne compagnie. La première fois que j’ai entendu le titre, c’était sur France Inter, dans l’émission de Jean-Louis Foulquier. Il devait certainement aimer le disque et le whiskey, car il a passé le morceau deux fois de suite.
Rêves. il y a une variante de ce texte sur Black K7. Sous le nom de Dreams. C'est une chanson très mélancolique. La fin des 80's ? La fin des Rêves ?
D : « Rêves » est un montage de deux chansons : « Dreams never satisfied ( refrain en anglais-couplets en français) et « J’ai le blues/Do the blues ». C’est Jean-Jacques qui a collé, adapté ces deux textes en un seul. J’aime bien. Le texte est très mélancolique. Je ne sais pas s’il a un lien avec la fin des 80’s, mais on ressent tous, à divers moments, ces périodes qui mêlent la mélancolie et l’abattement. Ca peut faire du bien de traduire cela en texte.

Il y a au moins 2 titres de Un Jour Parfait toujours inédits : "Et Pourtant" (qu'on retrouvera chanté par Dani en 1993) et " Lèche-vitrine". Le second sonne très Dominique Buxin. C'est de toi ?
D : Non, mais ça me plairait de les entendre.
Après Overnight Day, tu continues à travailler un peu avec PS, mais les chansons restent inédites : Earcom (annoncé dans le PS info service n°2), freedom, d'autres encore ?
D : Je me souviens de chansons enregistrées en studio, dans les environs de Bruxelles. Il y a « New York un soir », et aussi « G.I. Gino » qui est chantée avec émotion par Roger-Marc. Il y en a encore d’autres qui existent en K7 ( Emilia…..). En les retravaillant, il y a de la matière pour facilement un cd.

Pour terminer l'interview, je te propose un jeu bien connu.
A chaque fois, 2 possibilités. Tu choisis l'une ou l'autre, et expliques pourquoi.
Let's go :
Tintin ou Spirou ?
D : Spirou. J’étais abonné au Spirou quand j’étais petit. Le facteur passait à vélo. Quelle émotion quand je tournais les pages à la recherche de mes histoires préférées ( La patrouille des castors, Sandy et Hoppy, Timour, Johan et Pirlouit). J’ai même été « Brigadier M », sorte de diplôme pour les buveurs de lait. A l’époque actuelle, ce serait plutôt « Enfoiré M » qu’il faudrait décerner, pour les bouffeurs de hamburgers et les buveurs de limonades sucrées !!!
Stones ou Beatles ?
D : Beatles, même si les Stones sont le plus grand groupe de rock. Mais les Beatles offrent un plus grand espace musical. Et chez les Beatles, c’est surtout John Lennon qui m’intéresse. Mais à l’époque, j’étais fan de Led Zeppelin.
Bière ou whiskey ?
D : Bière. Sur la longueur, c’est préférable. On dose mieux.
Chien ou chat ?
D : Si je dis « chat », mon chien et moi allons nous regarder en chien de faïence. Quand j’étais plus jeune, j’avais un chat, un peu sauvage d’ailleurs, qui partait parfois pendant 15 jours. Maintenant j’ai un chien, qui est sur mes genoux pendant que je tape ces lignes, c’est dire s’il est complice.
Marlene ou Marilyn ?
D : Marilyn. Mais à l’époque, je préférais Brigitte Bardot. ( Je dis bien, à l’époque).
Johnny Hallyday ou Claude François ?
D : Johnny, sans hésiter. Claude François, je le préfère quand il imite Benoît Poelvoorde.
SAS ou Bob Morane ?
D : Bob Morane. J’en ai lu des quantités quand j’étais à l’internat. Ca me permettait de m’évader. J’avais peur de « L’ombre jaune ». A l’époque ( 1966), il y avait toujours une sorte de dossier documentaire à la fin des livres
C’était intéressant. Mais Bill Ballantine ne devrait pas mettre de glaçons dans son whisky. Et là, je trouve que Bob Morane aurait dû intervenir.
Mono ou Stéréo ?
D : Stéréo. On a quand même deux oreilles, non !
Dieu ou Diable ?
D : Désolé, je ne connais pas ces gens-là.
Oui ou non ?
D : Peut-être.

Interview réalisée par email, janvier 2006, sauf l'intro (août 04).

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