INTERVIEW DOMINIQUE BUXIN, part 1
 
ROGER-MARC
Comment as-tu rencontré Roger-Marc ?

Dominique Buxin : La rencontre pourrait se résumer à deux lieux : Allemagne et Bruxelles.
Comme Roger-Marc, je vivais en Allemagne et je suis allé à l’Athénée Royal de Rösrath (près de Cologne). J’habitais en outre à Weiden (en réalité Junkersdorf, une commune ou un arrondissement de Cologne, mais tout le monde disait Weiden – non pas « Vay den » à l’allemande, mais « Wéden », avec un vrai « w » à la belge).
Le Club des Jeunes était le lieu où tout se passait. C’est là que R-M a joué avec Melody (voir pages archives), c’est là aussi que je rapportais de Bruxelles, un peu plus tard lorsque j’étais à l’ULB (Université Libre de Bruxelles), les derniers 45 tours des groupes punks (Sex Pistols, Damned, Clash… et Stranglers). Et le samedi soir, on les passait au Club des Jeunes.
Ensuite, je crois que Roger-Marc m’a contacté pour lui écrire des textes. Je suppose qu’il a pensé à moi parce que j’avais écrit dans la revue de l’athénée (« Noir sur Blanc ») et que j’avais aussi créé, avec quelques copains, une revue de textes et de dessins (« Indigestion de l’esprit »-Il y a eu 3 numéros).

Roger-Marc m'as dit que tu étais dans un groupe en Allemagne, Kolossal. C'était quel style de musique ? Tu écrivais déjà les textes ?
D B : Kolossal était un groupe virtuel. Il n’a jamais existé en tant que tel. Pas de musique et les paroles étaient en fait les propos tenus le samedi après minuit (fermeture du Club des Jeunes), dans la rue ou dans les bois proches, où nous allions consommer de la bière ou du vin.
Tu étais un peu l'homme de l'ombre, tu n'as jamais été tenté de monter sur scène avec PSize?
D B : Je préfère l’ombre au soleil (au propre et au figuré).
De plus, je chante faux et j’ai une oreille musicale douteuse.
C’est pourquoi, lorsque Roger-Marc m’a demandé un soir de monter sur scène avec le groupe, pour interpréter «RDA-RFA» (Halles de Schaerbeek/Bruxelles), je me suis mis dans un coin et j’ai fait semblant de chanter. Ma «carrière» scénique s’est donc limitée à 2-3 minutes de silence dans un coin obscur de la scène.
A part PSize et JJ, tu écrivais pour d'autres gens? des livres, des articles ?
D B : J’écris beaucoup et je ne publie pour ainsi dire jamais.
En musique, à part PS et JJ, il y a eu la reprise de « Je t’ai toujours aimée » par Dominique A (Dominique A chante Dominique B !). Mais si quelqu’un est intéressé, il n’a qu’à me contacter via le site.
Pour le reste, beaucoup de textes/poèmes, des débuts de romans que je me réjouis de ne pas terminer, et une pièce de théâtre qui s’intitule « Le rendez-vous ».

Indigestion de l'Esprit, numéros 1 et 2
ALGORHYTHMIC EP

Le 1er 45t de PS sort en 1979. Tu signes les 4 titres : SAISON, SPACE REJECTION, MODE, et PLAGE PRIVÉE. 3 en français, 1 en anglais. Roger-Marc m'a expliqué que PLAGE PRIVÉE faisait référence à un festival avorté à Bruxelles, qui a fini en émeute.
D B : Je pense qu’il doit s’agir d’un festival annulé lors des festivités du millénaire de Bruxelles. C’est du moins ce dont je parle dans un couplet de la chanson. Donc, cela devait se passer en 1977. La chanson évoque les rêves de liberté et finalement, le conformisme qui s’empare de nous quand on a trouvé notre «plage privée». Version désabusée du slogan de mai 68 «Sous les pavés, la plage».
MODE me rappelle le Gainsbourg de Qui est in / Qui est out. Je me trompe ?
D B : En réalité, je n’y avais pas pensé. Mais il y a peut-être des connexions subliminales, et comme la vérité est une notion relative, tu as certainement raison.

Les textes de SAISON et SPACE REJECTION sont beaucoup plus obscurs, avec des phrases surréalistes, du genre : "I don't want to be your driver, you fucking happy surfing man", pourrais-tu m'en dire plus ?
D B : Cette première phrase de « Space rejection » est en effet un peu particulière et comme je ne peux t’en dire plus (car je ne me souviens pas de ce que j’ai voulu dire), je te répondrai en parlant « d’écriture automatique » ou de « collage verbal » (cut-up, ça fait bien, cf. Brion Gyzin, William Burroughs, etc). Mais le reste est plus logique, même si le « surfing » apparaît partout.
En ce qui concerne « Saison », dont je viens de relire les paroles, il y a sûrement un lien avec « Space rejection » et ce foutu surfer. En effet, je parle d’un « surfeur heureux courant sur la mer ». Le thème est une histoire d’amour banale, plage, soleil, et des souvenirs de quelqu’un qu’on a aimé. Mais, contrairement à Lamartine qui se lamente au bord du lac en pensant à celle qui l’accompagnait l’année précédente, et qui n’est plus, la chanson se termine par « Je pense à l’été, où je t’ai tuée »!! (Autres temps, autres mœurs !).

Comment s'est passé l'enregistrement du disque ? Tu étais à Bruxelles à ce moment-là, ou tout se faisait par courrier, entre la Belgique et l'Allemagne ?
D B : Le disque a été enregistré en décembre 1979. Ma première année en tant qu’enseignant ! Décembre signifiant « examens », j’étais certainement occupé à l ‘école. Roger-Marc a dû me tenir au courant. Ma première présence en studio avec Polyphonic Size date de l’enregistrement du premier album, avec Jean-Jacques Burnel comme producteur.
Tu étais donc enseignant en 79-82. En Allemagne ?
D B : J’ai commencé en Belgique, à Eupen (septembre 1979), puis je suis allé en Allemagne, à l’Athénée Royal de Düren en février 1980. J’y suis resté jusqu’en 1990 et à partir de cette année-là, je me partageais entre Düren et Rösrath (les deux écoles ayant fusionné). Rösrath est l’athénée où Roger-Marc, Martine et moi, avons suivi nos cours dans le secondaire. A partir de 1994, je suis retourné en Belgique où j’enseigne toujours (Athénée Royal Baudouin Ier, à Jemeppe-sur Sambre). A propos de Rösrath, il existe un site avec un document sur le groupe « Melody », de Roger-Marc (users.skynet.be). Tu cliques sur « Rock à Rösrath » puis Melody. Le batteur Johan Van Mullem a joué un peu avec PS, sur certaines k7.
Si tu cliques sur « Cabaret littéraire », puis, « nom de tous les participants » (en rouge), tu verras mon nom pour le cabaret de 1972, celui de Martine Bourlée en 1977. Je n’ai pas retrouvé Roger-Marc.
Donc, tout se passait par courrier, téléphone et K7 ? Tu envoyais les textes, et RM te disait OK, ou te demandait des modifs ? Ou bien tu venais le week-end, ou les vacances ? Autrement dit, quelle était votre méthode de travail ?
D B : On se voyait de temps en temps (le week-end), on s’écrivait et on se téléphonait pour les détails (lorsqu’il fallait changer telle ou telle phrase...). Internet n’existait pas encore, donc nous bricolions avec les moyens modernes de l’époque. C’était quand même au siècle dernier, ne l’oublions pas !! Pas d’ordinateurs, ni de gsm, on enregistrait sur des K7 et pour manger, nous chassions dans les bois.
Comme Düren, puis Cologne où j’ai habité n’étaient qu’à deux heures d’autoroute, ce n’était pas trop difficile de se voir.

 

PRAGMATIC SONGS

LOGIQUE POLYGONALE
Encore un titre mathématique (cf. Algorhythmic), qui semble avoir remplacé le titre original du manuscrit D B : Je crois que c’est comme pour le surfeur, un trou noir. Peut-être était-ce un morceau sans texte intitulé comme ça par R-M. ? Le sens du titre : cela doit avoir un lien avec la construction du texte : répétition de sons pour créer les jeux de mots, donc un texte vu sous divers angles (un texte cubiste ?).

OMMATIDIA
Le texte est de Regine K, c'est ca ?
D B : En effet.

PARTY:
Les paroles sont difficiles à comprendre, parce que la voix est passée au vocoder, et noyée dans le mix, mais on y retrouve les thèmes de l'amour / sexe, et une fin énigmatique : "tu riais de mes paniques polyphoniques". C'est une rencontre vécue ?
D B : Ce n’est pas du vécu. L’histoire est-celle d’un gars dans un dancing un peu spécial. À y regarder de plus près, l’espèce de danseuse-entraineuse pourrait très bien être un homme, ou un mix. Ce qui justifierait les paniques du client. Le mot « polyphoniques» peut faire allusion aux divers cris émis dans des moments de panique, mais c’est avant tout un clin d’œil au nom du groupe.