INTERVIEW ROGER-MARC VANDE VOORDE. Part 3 : 1988-1991

THE OVERNIGHT DAY

RM : on voulait essayer autre chose, abandonner l’électronique pure et dure.
On avait un nouveau producteur, Nigel, un nouveau claviériste, Pierre, un vrai batteur…Je sais plus pourquoi on voulait s’éloigner de l’électronique.
D : pour être franc, c’est un disque que je n’aime pas. Je trouve qu’il manque une idée maîtresse, et puis il y a un côté auto dérision qui me met mal à l’aise.
RM : Moi j’aime bien cet album, le travail sur les arrangements, les mélodies…
D : il a été reçu comment ?
RM : moitié moitié. Les fans de la première heure etaient un peu déçus, trop pop… des textes moins forts.
D : Tell Me, c’est le premier morceau chanté en solo par Martine ?
RM : oui… Il y a une version demo sur Prime Story qui est encore mieux. La aussi, comme pour Je T’ai Toujours Aimée, c’etait un moment magique, mais on est jamais arrivé à le refaire avec Nigel.
D : la voix de Martine me rappelle un peu Antena. Ce n’est pas une vraie chanteuse, elle est toujours sur le fil du rasoir, et je trouve que c’est ca qui donne la qualité, la texture du morceau.

RM : pour être honnête, je crois qu’aucun de nous n’était un vrai chanteur. Sauf Jean-jacques. Je crois qu’une des meilleures définition du groupe, c’est lui qu’il l’a donnée en disant qu’on était un laboratoire musical. Où des gens de différents pays, de différentes cultures, se réunissaient pour faire un projet. Des expériences musicales en studio, sur disque, autour d’un cercle de gens, qui ont essayé de reproduire ca après sur scène.

D : vous étiez trés branché sur les nouvelles technologies ?
RM : moi oui, les sons vieillissaient très vite à cette époque, c’etait une vraie course à la technologie.
D : le Soleil des Voyous était meilleur en version live.
RM : c’est vrai Nigel a peut-être un peu trop arrondi les choses…
D : Il est sorti en Angleterre ?
RM : non, il n’y a que le premier qui soit sorti, et encore, en import.
J’aime bien Stay, mais c’est une histoire perso, c’est une chanson que j’avais écrite pour Martine…
D : et elle, elle n’écrivait pas ?
RM : elle a écrit Tell Me, c’etait une sorte de réponse.

D : et Dominique Buxin ?
RM : il doit avoir fait 80% des textes, mais on pensait qu’il commençait à s’essouffler, alors on a voulu mettre notre grain de sel, et dans les reviews on s’est fait un peu détruire sur les textes, que s’était trop naïf, qu’il manquait la profondeur du premier album... C’est pour ca qu’on a voulu changer de parolier et faire appel à Daniel Darc après.

MARQUEE 1988 (live K7)

RM : je sais que Jean-Jacques a une vidéo de ce concert. Nous, on a aucune photo parce que Glen s’est fait piquer son appareil à Londres.
D : pourquoi Pull us Down est incomplet ? Il y avait des fausses notes ?
RM : non… pas plus que d’habitude (rires). Je dois avoir la bande complète à la maison.
D : Vous aviez un batteur ?
RM : non, c’est l’Atari, avec un sampler.
D : Il y a un vrai plaisir de jouer dans cet album. Et puis, ce sont vos retrouvailles avec JJ.
RM : c’est vrai, mais il etait quand même intervenu sur Overnight Day. On etait à Londres, je l’appelle, je lui dis qu’est ce que tu fais, tu as envie de passer ? il dit oui, pourquoi pas ? il fait les backing vocals sur Dis Moi, le premier morceau de l’album.
D : C’est lui qui vous a demandé de venir jouer au Marquee ?
RM : oui, on a dit bien sur JJ, on arrive ! Quand tu penses que c’est là qu’ont joué Les Who, Jimi Hendrix, Bowie… tu te dis, putain je vais monter sur la même scène, respect ! Les loges sont incroyables, tous les groupes qui sont passés la ont signé. Tu peux plus rien lire. Tu te dis, là, t’as plus le choix. Il faut assurer ! Tu peux pas faire autrement. On était en famille, une bonne sono, une salle historique, JJ qui revient chanter avec nous…
D : JJ chante seulement Winston & Julia ? Souvent, c’est pas évident de savoir…
RM : non non, tout le reste c’est Martine, Glen et moi.
D : Glen, il chante aussi ?
RM : le Soleil des Voyous, c’est lui, c’est mon petit frère.
D : Glen, c’était ton frère ?
RM : et oui, Glen, c’était son nom de scène.

BLACK K7 (demos 83-87)

Gros Plan
RM : C’est Toto, un copain de Buxin, qui chante là-dessus. Il est venu dans notre cave. C’est là qu’on répétait.
D : c’etait vraiment une cave ?
RM : oui oui, on avait quasi toute la maison, et dans les caves, y’avait un petit studio qu’on avait bricolé, et un local de répète. Y’a plein de monde qui a défilé là, les Stranglers, par exemple.

Take your gun
RM : on dirait Frankie Goes to Hollywood (rires).

Et moi et moi et moi
RM : On le faisait parfois en concert. En rappel. On a fait une version 80. Bubu a réécrit le texte
D : le texte est vraiment bien. C’etait fort.
RM : Dutronc aimait bien Polyphonic Size. Tu sais que JJ a travaillé avec lui ? Un soir, Dutronc s’approche de lui et il lui chuchote à l’oreille : je t’ai toujours aimée… JJ lui dit : tu connais ça ? et Dutronc : ouais ouais j’adore.

New York Un Soir
RM : c’etait un bon morceau, mais on a jamais réussi à l’enregistrer avec Nigel. On a fait plusieurs demos, en 84 et 87, mais ca marchait pas.
D : toujours la connexion japonaise, la geisha.
RM : on le faisait aussi sur scène, j’ai des enregistrements live.

See you Sioux (demo 85)
RM : ca c’est complètement raide stoned ! C’est une fin de répète. Avec le batteur de Melody, mon premier groupe… Mais t’as pas entendu la version originale. 12 minutes !

Dreams (demo 84)
D : c’est intéressant de comparer cette version à celle de JJ, Rêves, sur Un Jour Parfait.
RM : scoop ! tu sais qui a produit ca ? Daniel B, de Front ! il avait aussi bossé sur Happy Couples.
D : ? ? ? sur la pochette de Happy Couples, la production est créditée à The Poe.
RM : the Poe, c’etait le père de Kloot per W (rires). Mais on a fait toute une session avec Daniel. C’etait juste après Walking Everywhere.

L’Amour (first version, demo 1986)
RM : c’est fait à Bruxelles avec Nigel. C’est effectivement la toute première version. Tu aimes pas ce morceau ?
D : non… j’aime pas la rythmique. C’est statique, je trouve. Il manque la pulsion.
RM : ca sonne comme un remix.

Everybody needs your sex (1986)
RM : encore un morceau produit par Daniel B. Ca sonne tres Front, ce genre de rythmique. Je me rappelle qu’a l’époque, on avait fait un concert en sado maso… Ann et Martine etaient fringuées en cuir, avec des fouets, nous on etait habillés tout en noir… Kloot avait une copine sado maso qui était venue se faire fouetter à la fin pendant qu’on jouait. (rires).

Earcom
D : Buxin avait écrit un morceau en javanais, paraît-il, Earcom, vous l’avez enregistré ?
RM : oui oui, en demo. C’etait l’horreur à chanter. Impossible… (rires)

Hartaway
RM : je crois que c’est Martine qui chantait ca. C’est jamais sorti.

Groove
RM : je crois que c’est devenu Bateau ivre.

Seen in your eyes
RM : c’est un texte écrit par Daniel Darc, chanté par Martine, qui n’est jamais sorti.

Mon Fils (demo 87)
RM : c’est Dominique Buxin qui fait la voix. De toute l’histoire de Polyphonic Size, c’est le seul truc qu’il a fait. Il avait eu un gros coup de déprime, sa femme avait fait une fausse-couche... Le texte, mon Fils, mon Sang, mon sperme… c’est à propos de tout ca. Un soir, il etait venu à l’enregistrement du 3eme album, on s’etait soûlé la gueule, et on avait enregistré ca. Le lendemain, on dit à Nigel : on a enregistré un super morceau. il écoute, il dit : ??!!? c’est quoi ce truc ?…. (rires).

New York (demo 87)
RM : c’est une version qu’on avait faite en live avec un vrai batteur… un Marocain, Hassan. Faudrait le ressortir en salsa (rires).

P SIZE 1989

RM : on a fait 2 dates avec la tournée de JJ, Un Jour Parfait. Lyon et Bourges. Mais je crois qu’il y a eu juste un succès d’estime. Pas suffisamment pour faire 15 dates sur toute la France. C’est un truc avec Jean-Jacques, en France il a un vrai potentiel solo, mais ca démarre jamais…
D : c’etait curieux cette idée d’avoir le même groupe, les Purple Helmets, qui joue avec JJ, Mona Mur et vous. Ça fait un peu music-hall.
RM : oui… c’était aussi pour des raisons financières.

 

PRIME STORY

RM : On a contacté Daniel Darc pour les textes, mais on se connaissait depuis longtemps, on avait même assisté à l’enregistrement de Seppuku. C’etait la Stranglers connexion. Il a tout de suite été d’accord.
Récemment, en cherchant chez moi avec Luc (Van Acker), on a retrouvé un truc incroyable… Quand Daniel nous écrivait les textes, en fait, on rentrait en studio, on les avait même pas !… j’ai retrouvé un fax qu’il avait envoyé avec le premier couplet, et il disait à la fin : OK... la suite au téléphone ! (rires). Tu vois, on etait en studio, on devait enregistrer les voix, et il avait envoyé un couplet ! (rires). Ça s’est vraiment incroyable ! C’est vraiment un artiste….
Notre idée, c’etait de re-signer avec une major, donc on a fait une session de 4 morceaux chez JJ, et on a recherché un deal. Finalement, on a trouvé EMI Belgique, mais ils ont dit, faut pas le faire sous le nom de Polyphonic Size, c’est trop vieux, faut vous faire un nouveau public, et on a trouvé Triumvirat. Et puis après on s’est rendu compte en voyant la pochette que ca faisait un peu groupe de hard rock. Mais ca n’a pas marché. EMI a laissé tombé. Nous on en voulait toujours, alors on a refait une session avec quelques morceaux dont Round & Round, et 2 ou 3 autres qui sont jamais sortis, dont un chanté par Martine. On a démarché un peu, sorti la compile, mais Martine était enceinte, et puis Alice est née, et moi j’en avais marre de la trimballer dans les flight cases… Financièrement c’était pas toujours ca, alors j’ai dit : on arrête là. La compile est sortie, partons, laissons un bon souvenir à tout le monde et restons en là. Je voulais pas que Polyphonic Size devienne pathétique.

Roger-Marc en studio, 1990

FIN

D : mais tu as pas seulement arreté Polyphonic Size. Tu as aussi arrêté la musique.
RM : complètement…. Mais de toute façon je pense que quelque soit le boulot que tu fais, pour le faire bien, faut le faire à 150 %. Si c’est pour le faire en dessous de 100 %, c’est pas la peine. Mais pour le faire à 150 %, faut l’aimer. Si t’as la chance de faire un boulot que tu aimes, qui est quelque part un hobby, tu es impardonnable si tu le fais pas à 150 %. Parce que tu as que ca à foutre.
Et là, je me suis dit … On a vécu des trucs incroyables, on peut mourir demain. On a fait des disques, laissé une trace. Alors, j’ai dit on passe à autre chose, et je me suis lancé à fond dans l’informatique. C’est un peu à cause de ca que ca a cassé avec Martine, moi j’etais tout le temps en train de bosser, aux Etats unis, tout ca, elle, elle restait à la maison, avec 2 enfants en bas age. Du jour au lendemain, on avait plus un projet commun qui nous soudait. Ça a été dur, j’ai mangé mon pain noir…

EPILOGUE

RM : ca a commencé avec la reprise de Nagasaki par Novo, et puis quelques mois plus tard, il y a eu la reprise de Dominique A, après Kloot m’a recontacté…. Alors j’ai dit, pourquoi pas ? Et puis c’est aussi les enfants, elles me disaient : alors papa, on a dit aux copines… (rires). Et je disais, non les enfants, si ca vient pas, laisse tomber. Mais maintenant, ca y est. On va le faire. Récemment, on a rebranché les instruments. En une nuit, crac ! j’ai fait le basic du morceau, et je sais que ca va venir.

Interview réalisée à Paris, XIIe arrondissement, le 23 février 2004, entre 20h30 et 2h30 du matin.