INTERVIEW KLOOT PER W
Eté 2004, quelque part en Flandre. Kloot me reçoit dans son home studio, avec des tas de claviers, un magnéto, un ventilateur, des micros, des tables de mix, une dizaine de guitares, des images de concerts, une affiche Tribute to Bob Marley featuring KPW, des photos sexy et des dessous chic. Kloot est en pleine forme, très kool, en T-shirt et cheveux longs, façon Robert Plant.
RENDEZ-VOUS
Doro : Comment as-tu rencontré Roger-Marc ?
Kloot : Je sais plus… C’etait une sorte de réunion avec des groupes et des musiciens bruxellois. Il y avait Michel Lambot, que je connaissais d’avant, parce qu’il avait sorti un single des Sweeties, et moi je faisais du bruit avec des synthétiseurs dessus. Et donc, on a parlé… Moi je venais d’une génération d’avant le Punk.
D : tu as commencé avant ?
K : J’ai commencé avec le blues-rock, Led Zeppelin, des trucs comme ça... J’avais 22 ans la première fois que j’ai entendu les Ramones, en 76. On s’est donc vu avec Roger-Marc parce que Michel Lambot m’avait demandé si je jouais aussi dans des groupes, et puis je faisais aussi des trucs à la maison, en re-recording avec des enregistreurs et des synthés…

D : tu étais aussi branché synthés ?
K : j’étais branché Kraftwerk.
D : Toi aussi ? Roger-Marc m’avait dit que tu étais plutôt branché guitares.
K : tout à fait, mais j’aime toutes sortes de musiques. Pour moi, Kraftwerk était de la musique parfaite.
D : tu es sur la compile B9 ?
K : oui, avec Rel Rex. Le morceau s’appelle Programmed.
D : c’était ton premier groupe ?
K : c’était moi tout seul. De même que Polyphonic Size c’était Roger-Marc tout seul. On s’est rencontré là, on s’est parlé, et puis on s’est donné rendez-vous, et on a commencé à travailler ensemble.
D : juste après B9 ? Dès le maxi PS, au printemps 1981 ? tu restes donc dans Polyphonic Size du Printemps 1981, à l’été 1984 ?
K : oui, et le premier concert c’était The First Belgian Rhythm Box Contest.
D : ah ! tu n’as pas la bande de ce concert ?
K : Non, mais moi, j’ai joué 2 fois. Une fois avec Psize, une fois avec De Minz. Un groupe à la Captain Beefheart. Très différent de Psize.
D : Mais ton premier disque, c’etait quoi ?
K : en 78, avec les Misters. Un album. Après, en 80, j’ai fait des K7 en solo. Klaus Wagner.

Murder Music, 1982

D : pourquoi Polyphonic Size ne recommence les concerts qu’en automne 1982 ?
K : Je crois que c’est à cause des études de Martine et Roger-Marc. Ils devaient faire des stages… (rires). Moi je jouais encore dans d’autres groupes, et puis à un moment j’ai fait le choix. J’ai dû plaquer un groupe, The Employees.
D : The Employees ? avec la super pochette de Ever Meulen sur le premier single ?
K : C’est ca. C’était un groupe qui jouait vraiment beaucoup live en Belgique. Trois fois par semaine. Mais avec Psize, on allait jouer à l’étranger, et ça c’était vraiment intéressant.

D : Comment ça se passait pendant les enregistrements ?
K : on préparait tout à l’avance. Et puis, on mettait tout en boîte avec Jean-Jacques.
D : c’était pas improvisé au fur et à mesure ?
K : non, ça c‘était avec De Minz. Improvisation totale ! (rires). Je me rappelle, quand on était dans les caves, avec Roger-Marc. Pendant des heures, à programmer, avec un tout petit écran… il fallait tout noter, faire des mathématiques… (rires).
D : sais-tu d’où vient le titre « On the Way to Medora » ?
K : non… un lieu mythique probablement. On avait tout un langage spécial. Avec des mots à nous. On disait pas salut, on disait « Sal’ !». Et pour dire « comment ca va, on disait « Com’ ? » (rires).

The Employees, 1981. Pochette : Ever Meulen.

LIVE FOR EACH MOMENT

D : on arrive au premier album. Il semble qu’il y eut plein de sessions avant l’enregistrement. Des versions très différentes de NBC, King Of Hong Kong…
K : il y avait toujours une grande différence entre les versions live et les versions studio. Il fallait toujours se battre contre la technique. On avait seulement 4 pistes. Il y avait pas encore de séquenceur… On avait pas d’argent pour en acheter. On faisait les basses et les percussions sur bandes. On mettait des nuits à programmer, et puis on allait sur scène et ça sonnait pas très bien. Alors moi j’ai dit, il faut une vraie basse, je vais doubler les basses avec une guitare basse, et ça va donner un son plus humain. Et Roger-Marc a dit, moi je peux jouer de la guitare, et c’est comme ça que des morceaux comme King Of Hong Kong devenaient plus punk, plus agressifs.
D : les bandes rythmiques utilisées sur scène en 1981 et 1982 sonnent incroyablement modernes : un son tres minimaliste, très rythmique qui ressemble beaucoup à ce qui se fait maintenant dans la scène électronique.
K : Par rapport à Front 242, on était un peu le côté humain de cette scène. Deux filles… des vrais instruments, des vraies mélodies. On arrivait dans un autre territoire.
D : tu jouais de quels instruments sur scène ?
K : guitare, basse, et synthé.

D : vous avez commencé l’enregistrement du premier LP sans JJ. Puis il arrive… Ça a pris combien de temps ?
K : 2 ou 3 semaines. Mais il travaillait beaucoup tout seul aussi. C’est ca qui était un peu… difficile pour moi. Parce qu’en studio, c’etait lui qui faisait tout. J’avais pas l’intention de me battre contre ca. Je comprenais tres bien que c’était une bonne chose pour le groupe de travailler avec quelqu’un de connu comme JJ. En live, c’était différent.
D : tes morceaux, c’était Happy Couples, Why Do All Those Men, l’Europe. Le texte de l’Europe était de toi ?
K : oui. Mais ca changeait tout le temps. J’improvisais, je faisais des in jokes.
D : tu ne chantais pas en flamand ?
K : non… personne aurait compris. Le flamand c’était sur les pochettes. Regarde bien celle de Walking Everywhere. La carte. Tous les mots sont en flamand.
D : je reviens à l’enregistrement du premier LP. JJ prenait donc les choses en main. Il allait même au-delà, puisqu’il chante aussi 2 morceaux : Je t’Ai Toujours Aimée et Winston & Julia.
K : oui mais, tu sais, maintenant, je suis producteur aussi. En studio, il faut trouver un bon équilibre. Il faut nourrir son propre ego, mais pas trop parce qu’on doit aussi penser : est ce que ca va être un bon album ? En fait, le grand public ne sait pas que JJ chante sur ce disque. Et puis JJ est le bassiste des Stranglers, la plupart des hits des Stranglers, c’est pas lui qui les chantait.
KPW à Paris, Bains Douches, 1982  
   
WALKING EVERYWHERE

D : on arrive au deuxième album. JJ et Roger-Marc partent seuls enregistrer en Angleterre et décident qu’ils t’appelleront quand ils auront besoin de toi.
K : oui. C’était très difficile aussi pour Roger-Marc… Maintenant, j’ai changé. Je réagirais plus pareil. On pouvait bien travailler ensemble Roger-marc et moi, il y avait une sorte d’unité, plus facile qu’avec JJ parce que j’étais dans les environs. JJ, lui, avait les Stranglers. Mais, quand on a décidé de faire le nouvel album, ils ont dit : on t’appelle si on a besoin de toi. J’ai attendu le coup de fil…
D : Il y avait déjà eu des frictions, des engueulades, à l’époque du 1er album ?
K : non, jamais… Mais ca passait pas entre JJ et moi. A cette époque-là, j’osais pas trop dire ce que je pensais, j’étais plutôt introverti. J’étais content d’être là, mais je sentais bien que il y avait d’un côté JJ, de l’autre moi. Il avait peur de perdre son véhicule musical, parce qu’il y a beaucoup de trucs qu’il a fait d’abord avec PS, et ensuite avec les Stranglers.
D : Tu penses à quels morceaux ?
K : Je pense pas à un morceau, plutôt à des atmosphères. Dans Feline, qu’ils ont fait à Bruxelles. La Folie…
D : qu’as-tu pensé en écoutant les bandes de Walking Everywhere ?
K : maintenant, j’aime plus tellement. Mais à ce moment-là, ca sonnait assez… spécial. Dans la lignée du premier LP, mais plus soft, plus mélodique… Pour moi, c’est un disque qui n’est pas fini. Il manque les guitares.

D : vous aviez enregistré des demos avant que RM et JJ partent à Londres, ou tout a été fait là-bas ?
K : oui oui, je crois que j’ai quelques K7 ici… Des sessions live…
D : As-tu pensé à quitter le groupe à ce moment-là ?
K : Oui, mais j’avais d’autres groupes à côté. J’aimais bien jouer avec Psize, mais j’ai fait d’autres trucs. Par exemple, un single de Marc Dixon produit par Mirwais, de Taxi-Girl. Vroum Vroum. Avec une pochette ligne claire, à la Hergé.
D : sur les bandes de la tournée de 1984, il y a peu de morceaux de l’album, et les versions sont très différentes.
K : on pouvait pas jouer ca live. On a dû ajouter d’autres morceaux. Siberia, Artist, Femme Fatale… Martine a appris à jouer de la basse. Ann jouait des synthés. Je pouvais jouer plus de guitares.
D : tu n’as pas l’impression qu’à ce moment-là, il y avait 2 Polyphonic Size ? Un en studio avec JJ, l’autre live avec toi ?
K : C’est ca.
ARTIST
D : Il y a eu d’autres sessions après le deuxième album LP : Do The Hou... Et un truc fantastique qui s’appelle La Plante, où on t’entend parler au téléphone. Comme sur la Black K7 (Kloot On The Phone). Tu étais le spécialiste des gags téléphoniques ? (rires).
K : Do the Hou ? non, je vois pas… Quand j’ai quitté Psize, je ne voulais plus de groupes. J’en avais marre de ce truc où tout est décidé ensemble. Je voulais faire tout moi-même. Je me suis inscrit à un concours, Humo Rock Rally. Et j’ai eu un prix spécial pour Why Do All Those Men en 1986.
D : tu revoyais Roger-Marc de temps en temps ?
K : oui oui.
D : tu as toujours continué la musique ? Tu n’as jamais été tenté d’arrêter comme Roger-Marc ?
K : non non. C’est la seule chose que je fasse bien (rires).

Interview réalisée en Belgique, le 6 août 2004. Plus d'infos sur KPW sur son website. Photos : archives KPW et Roger-Marc.